jeudi 12 avril 2012

La Compagnie de Jésus

Voir aussi :La Compagnie de JésusDes sacrementsVie religieuse
Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader

Chasteté

« De la chasteté il n'y a pas grand-chose à dire, puisque aussi bien la nôtre doit imiter celle des anges… » C'est à peu près ce que dit du deuxième vœu le « Sommaire » des Constitutions de la Compagnie de Jésus. Je n'en savais pas beaucoup plus en entrant moi-même au noviciat des jésuites en octobre 1934, à dix-huit ans et un mois.

Ma présence dans la Compagnie de Jésus

J'ai d'abord, à l'encontre de ma présence dans la Compagnie de Jésus, une objection qui la vise, elle, et son mode de gouvernement. Ou plutôt qui concerne – comment dire ? – l'adhésion qu'elle attend de ses membres. Il est surprenant, et significatif somme toute, que j'aie pu dire, dans la première partie de ces réflexions, n'avoir jamais eu de difficultés quant à ce qui regarde l'obéissance religieuse. En fait, à deux reprises au moins, j'ai protesté publiquement, avec force, et d'abord auprès des responsables concernés, contre des manières de faire attentatoires, me semblait-il, à l'esprit d'amour d'un groupe évangélique.

Les points majeurs de la Compagnie de Jésus

Comment donc est-ce que je me situe devant les points majeurs de la Compagnie de Jésus. Devant les trois premiers, d'abord, ceux qui m'apparaissent fondamentaux : le désir de suivre Jésus, d'aider les humains, cette « suite » et cette « aide » se vivant au sein d'un « corps », d'une communauté de frères. Oui, je fais mien ce désir, et ces buts-là. Je crois que mon existence en témoigne, comme elle témoigne du regard mystique de Saint Ignace sur l'homme au cœur du créé, sur Jésus, le Jésus de l'histoire, le Jésus familier des Évangiles, au centre de l'Univers, sur la présence en toutes choses, partout, du « Donateur », qui nous habite et qui nous aspire.

Le vœu spécial d'obéissance au Pape

Un autre point majeur de la Compagnie de Jésus est sa volonté de servir l'Église, l'Église Universelle, et qui se concrétise dans le vœu spécial d'obéissance au Pape pour toute mission que celui-ci confierait à l'ordre ou à l'un de ses membres. Prononcé seulement par les religieux « profès », ce vœu n'ajoute rien de plus, dans les faits, à la mise au service du Pape qui caractérise la Compagnie dès son origine. Il lui donne davantage de relief. Il contribue parfois à en fausser la perspective. Car si Saint Ignace tient à ce que le jésuite « sente avec l'Église » – notamment avec l'Église hiérarchique – ce vœu dont l'Objectif est très précis n'oblige nullement, en tant que tel, à conformer ses pensées à celles du Pape. C'est pourtant ce que beaucoup croient.

Introduit dans les écartèlements de la Compagnie de Jésus

Ainsi fus-je introduit vitalement dès le Collège, à travers des « hommes », dans les écartèlements quasiment constitutifs de la Compagnie de Jésus. Tensions entre « rigueur » et « cœur », entre « rationnels » et « affectifs », entre « ascètes » et « mystiques » ? Non, je ne crois pas qu'il puisse y avoir de jésuites sans rigueur et sans cœur à la fois, sans raisons et sans affects ensemble, pas plus que d'ascétisme sans mystique et l'inverse aussi.

Les jésuites peinent à reconnaître et à accepter leurs sentiments

Un membre de droit me confiait au retour de Chantilly : « Nous ne, sommes pas mûrs pour oser nous affronter entre jésuites… » Propos qui me remit en mémoire une réflexion des psycho-sociologues moniteurs à deux sessions de « dynamique de groupe » pour des « Nôtres » : « Il y a là un ensemble assez exceptionnel de personnalités… Nous en avons peu vu qui aient autant de peine à reconnaître et à accepter leurs sentiments. » Surprenant paradoxe si l'on songe au « récit du pèlerin », au « journal spirituel », au constant usage d'un langage affectif toujours associé à la rigueur d'analyse… 

Je crois au rôle de l'Institution

Et pourtant, oui, je crois au rôle de l'Institution, ne serait-ce que comme repère pour se voir soi-même à la place que l'on occupe exactement. Je crois très fort, pour la maturité d'une conscience, à l'élucidation la plus rigoureuse possible du rapport personnel avec l'Institution. Je ne conteste pas la marginalité, ni qu'elle puisse être prophétique, mais c'est toujours alors, à mon sens, dans une dialectique entre un « dehors » et un « dedans » dont je n'aime pas que l'on soit inconscient. J'éprouve une réserve instinctive vis-à-vis des langages qui ne me semblent pas intégrer tous les éléments d'un réel dont on vit. Et les institutions, aussi, nous permettent de vivre.

La communauté appartenance et apport fraternel

C'est cela, surtout, que j'aimerais dire, et faire sentir. Ce qui surgit, au jour le jour, dès lors qu'est acquise cette appartenance. L'apport fraternel, a priori, des « garnisons » successives, et des dépaysements : la Mayenne, la Normandie, le Massif Central, Paris, Lyon, la Provence, Paris encore, et tous ces collèges fréquemment visités ensuite en France, à Beyrouth, au Canada. La confrontation de chaque jour, dans tous ces lieux, avec des psychologies différentes, des nationalités différentes, des tâches différentes. Creuset de telles découvertes, de tels remodelages, qu'un esprit de corps peut s'en dégager, non sans justesse, mais barrière alors insupportable, voire redoutable, œillère égale au privilège… L'appartenance n'est plus en ce cas support, terrain d'envol, mais suffisance où se blottissent les peurs et qui compense, en gain collectif, les déchirements dont sont payées les offrandes individuelles à cette autre « famille ».



Les textes de cette page sont tous extraits du livre "Questions autour de l'homme réel" de François Ader

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